Un regard se promène sur la foule. Ce regard, il pourrait être le mien, mais j’ai décidé que ce serait le vôtre, Monsieur. Quand à vous Mesdames, vous êtes aussi présentes, de la plus belle manière, celle dont nous rêvons tous, un jour, de vous rencontrer.
Les silhouettes défilent, anonymes. Un pas rapide ou flâneur ajoute une cadence à leurs mouvements. Une dame vous dépasse, votre regard s’attarde sur ses jambes gainées de noir. Elle va on ne sait où, mais vous êtes prêt à la suivre jusqu’en enfer. Le rythme de ses talons sur la sol, martèle une musique céleste, assourdissant les bruits de la ville. Ce noir sur ses jambes a la couleur du désir, mais vous savez qu’il est juste là pour aguicher vos sens. Il y aura peut-être dans un futur incertain, des mains qui se hasarderont sur la finesse de ce voile. Vos mains, elles, resteront tristement dans vos poches, comme deux objets inutiles. Le spectacle ainsi offert sera, seul, votre couronnement. Derrière ses jambes qui avancent vers l’inconnu, vous serez le roi d’un instant, déchu quand la vision se noiera dans la foule.

La salle d’un petit bistrot, c’est là que vous faites une halte. Un carrefour, où viennent les venus d’ailleurs, où partent les rassasiés d’un apéritif, d’un café, d’une petite faim. Elle est là, cette demoiselle à qui vous confiez vos espoirs. Dans l’irrégulier croisement et décroisement de ses jambes, vous guettez le Graal qui vous fera franchir la frontière de la lisière de ses bas. Le murmure du frottement du nylon vous entraine dans une valse viennoise jouée par mille musiciens. Et vous tournez, tournez, souriant à l’ivresse des grands soirs, ceux où la lumière des lustres projette les ombres qui s’estompent au loin avec les notes de musique. Elle, indifférente au tourbillon qui envahit votre esprit, glisse ses doigts aux ongles rougis sur ses jambes. Pour un instant, ses doigts sont les vôtres. La valse s’arrête remplacée par un air romantique où chaque frottement est un accord de violon languissant. Elle, cette fois vous lance un regard aussi inquisiteur que le vôtre. Elle lit dans votre âme, amorce un sourire coquin, révélateur de son intuition. Un invisible Wagner commence à jouer pour vous le prélude de la Walkyie, l’orage va éclater. Le temps d’un éclair, elle fait remonter d’un geste innocent sa jupe, vous dévoilant ses secrets, très brièvement, trop brièvement. Sous le roulement de tonnerre, elle se lève et s’en va, estimant avoir payé son dû. Sous l’averse qui tombe, vous contemplez une photo imaginaire qui prendra place dans l’album qui n’existe pas.

La voila, celle vers qui vous alliez. Un croissant de lune est accroché dans un coin des nues. La nuit est douce, invitation à la rendre infinie. Un petit restaurant, charmant, douillet, une fée à la cuisine, vous attend. Vous avez fait poser sur la table un bouquet de roses, elle les aime tant. C’est un peu plus loin, allons-y, mais rien ne presse. Vous avez eu le temps de remarquer encore une fois, que ses jambes sont divines. La couture des bas sombres montent de ses haut-talons, séparant les reflets des lampadaires qui jettent des trouées lumineuses dans la nuit. Sa chevelure coule en ruisseaux blonds vers ses épaules. Son tailleur dissimule à votre regard la féérie de ses dessous, dont vous soupçonnez les secrets qui deviendront vôtres. Il n’y a pas si longtemps, en l’embrassant, vos mains se sont attardées le long de ses jambes, un doux toucher a renvoyé la peur des collants vers la placards maudits dont on espère perdre la clef. Un air de jazz, souligné par une contrebasse ensorcelante, suinte par une fenêtre ouverte, saluant votre passage. Ainsi vont les amants, au coeur de la nuit, nuit des désirs assoiffés d’absolu. Mais voilà, le charmant petit endroit, les chandelles allumées vous attendent. Quant à nous, nous resterons pudiquement sur le seuil. Notre tour viendra, en d’autres temps, d’autres lieux. Bonsoir

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janvier 19, 2014 à 10:36
Des coups d’oeil furtifs qui font notre bonheur.
janvier 19, 2014 à 11:51
Merci Daniel pour toute cette série de commentaires qui me font évidemment bien plaisir. Je suis content de ce blog, car il commence à décoller dans les visites.
A bientôt