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Le miroir, conte de Noël

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Noël, c’est la fête. C’est aussi le période où les contes circulent de bouche à oreille. Les enfants en raffolent, parfois les adultes s’y laissent prendre avec encore plus de rêves que ceux auxquels il sont destinés. Connaissez-vous beaucoup de contes de Noël destinés à de plus grands enfants? Pas des tas à ce qu’il me semble. Il en fallait au moins un afin que que l’on puisse dire qu’on en connait un. Je l’ai cherché, je ne l’ai pas trouvé, alors je l’ai écrit. C’est bien un conte de Noël, le père spirituel de ce fameux jour y paraît, mais sans barbe blanche pour qu’on ne le reconnaisse pas. Il a dans sa hotte autre chose que des jouets…

La neige tombait en flocons épars sur un jour de décembre qui aurait pu sembler pareil à un autre.  Mais la grande fête de Noël n’attendait que la nuit pour allumer ses feux, illuminant le ravissement des enfants et les sourire des adultes. Dans la foule empressée, riche pour un jour, l’indifférence au bonheur des autres semblait la règle. Seul son propre bonheur comptait. Il était fait de ces petits riens qui donnaient l’apparence de la recette parfaite, celle dont chacun se persuadait d’en être le seul et unique détenteur.
A la devanture d’un magasin de lingerie, une jeune fille rêvait. Pauvrement vêtue, elle contemplait les richesses étalées dans la vitrine. Entre les culottes friponnes, les porte-jarretelles aguicheurs, les guêpières voluptueuses et les bas soyeux, ses yeux n’avaient pas besoin du reflet des néons pour étinceler.
Près de là, un vieux monsieur la regardait l’air intéressé. Sobrement appuyé sur une canne, il avait l’air de s’en servir plus comme une coquetterie que comme un ustensile indispensable. Ses habits paraissent de belle coupe, son chapeau d’un élégance certaine. Son visage affichait les restes d’une beauté fanée, une beauté qui avait sûrement constitué une jolie carte de visite auprès des dames. Il s’approcha de la jeune fille.
– Excusez-moi, je vous observe depuis un moment, vous semblez ne pas vouloir détacher les yeux de cette vitrine, cela vous plait-il?
– Oh monsieur, si vous saviez comme j’aimerais me parer de toutes ces merveilles, je me sentirais plus heureuse qu’une reine.
– Qui vous fait croire que les reines sont heureuses?
– Je ne le sais pas, je l’imagine, mais je suis certaine que ces parures sont dans leur garde-robe.
– Et vous n’avez vous point de garde-robe aussi bien achalandée?
– Si elle l’était, je ne serais pas ici!
– Et si le Père Noël vous apportait toutes ces choses ce soir?
– Il se fout bien de moi, d’ailleurs j’ai passé l’âge d’y croire!
– N’avez-vous pas de famille, d’amis, un amoureux?
– Non j’habite seule, dans un appartement vétuste, mais j’ai un amoureux qui viendra ce soir!
– Ah, et que dirait-il s’il vous trouvait revêtue de quelques unes des belles choses que vous voyez dans la vitrine?
– Il serait fou de joie sans doute.
– Eh bien je vais faire quelque chose pour vous, vous allez entrer dans ce magasin et choisir ce qui vous plait, je vous l’offre sans regarder à la dépense.
– Et quel sera le prix que je devrai vous payer, car vous n’allez pas faire cela à bien plaire?
– Vous savez, j’ai passé l’âge de tenter de conquérir les jeunes filles avec des artifices. De l’argent, j’en ai presque à ne plus savoir qu’en faire, je deviens vieux, je n’ai pas d’héritiers, je ne vais sans doute pas l’emporter avec moi. Ce que je dépenserai pour vous, sera autant que les vautours qui tournent autour de moi n’auront pas. Je pourrais aller ce soir dépenser mon argent dans un endroit sordide, là-bas les femmes feraient semblant d’avoir les yeux qui brillent de plaisir en ma compagnie, mais c’est un plaisir fade. Avec vous, je suis sûr que vos yeux auront les lueurs de la vérité, ils s’allumaient déjà avant que je vienne vers vous. Ce sera ma récompense et peut-être il y en aura une autre, qui sait ce que la chance me réserve? Etes-vous d’accord avec ma proposition.
Eh bien soit j’accepte!
– Alors entrez et choisissez, vous n’aurez même pas à souffrir de ma présence. Ne regardez surtout pas à la dépense. Je vous attends au petit café à côté, quand vous aurez fini venez me chercher et je passerai payer. D’accord?
– D’accord
La fille entra dans le magasin, s’attendant au regard méfiant  de la vendeuse jaugeant son allure. Mais elle n’en laissa rien paraître et se fendit d’un sourire accueillant.
– Que puis-je pour vous mademoiselle?
– Je voudrais essayer des tenues pour ce soir.
– Quel genre de tenues, sages ou plutôt sexys?
– J’aimerais un ensemble avec un porte-jarretelles et aussi une guêpière.
– Quel couleurs?
– Noir, rouge pour la guêpière, vous avez cela dans ma taille?
– Bien sûr, j’ai un magnifique trois pièces, soutien-gorge, porte-jarretelles, petite culotte un rien transparente, dans un très beau noir, comme sur ce mannequin.
– Bien, je vais essayer.
La vendeuse jaugea d’un coup d’oeil la taille de la fille et choisit dans les tiroirs du comptoir les trois pièces désirées.
– Ceci devrait vous aller, voulez-vous passer dans la cabine?
– Il me faudrait aussi des bas pour essayer.
– Aussi en noir?
– Si vous en avez avec une couture, j’aimerais bien.


– Bien sûr, nous avons cela, je crois que 10 1/2 sera la bonne taille. En voici une paire que je garde pour les essais. Si c’est la bonne dimension, je vous en fournirai des neufs dans la même taille.
Elle se dirigea vers la cabine en tira le rideau et commença à se déshabiller en retirant ses pauvres frusques. La première chose qu’elle enfila fut le porte-jarretelles. Elle avait souvent rêvé de ceindre sa taille avec cette pièce de lingerie. Maintenant que c’était fait, elle en savoura la pleine réalité. Elle fit glisser un bas le long de sa jambe, lentement, et le fixa aux jarretelles. Elle se mira dans la glace et tourna sur elle-même, lentement, en savourant la vision qui lui renvoyait le miroir. Le noir contrastait merveilleusement avec la blancheur de sa peau. Satisfaite du résultat, elle enfila le deuxième et recommença son manège. Les miroirs ne savent pas mentir, pensa-t-elle. C’était d’autant plus vrai, qu’elle fut prise d’une bouffée de satisfaction en s’imaginant que ce soir, des yeux la contempleraient pour de vrai. La tête penchée en arrière, elle suivait des yeux la couture de ses bas qui semblaient monter vers la haut de son corps pour s’arrêter là ou son envie de désir était la plus forte. Elle esquissa un geste, qu’elle retint en luttant contre ses sens. Non pas question, elle garderait le feu qui brûlait en elle pour plus tard. Elle enfila le soutien-gorge et la culotte, une nouvelle fois le miroir refléta ses yeux qui balayaient sa surface en une ronde d’ivresse.
– Cela vous convient? questionna la vendeuse sans se douter qu’elle venait de briser une douce rêverie.
– Oui c’est parfait, répondit la fille avec un regret dans la voix.
– Voulez-vous essayer la guêpière maintenant, je vous la passe.


Revenue à la réalité, le fille se sentit soudain impatiente de changer de tenue. Elle détacha ses bas, les laissa pendre sur ses jambes sans les enlever. Elle ôta les autres pièces et se saisit de la guêpière qu’elle dans la quelle elle glissa son corps.
– Voulez.vous m’aider à attacher le dos, je n’arriverai pas seule.
– Je vois que vous n’avez pas l’habitude, mais les plus expertes se débrouillent seules avec un peu d’entraînement. Les hommes adorent aussi vous donner un coup de main pour le faire. Jamais il ne se plaindront que vous n’ayez point la main habile.


La vendeuse s’éclipsa et la laissa toute à sa nouvelle découverte. Le rouge du tissu lui donna un nouvelle image de son corps. Une fois les bas fixés, offrant un subtil mariage entre le noir et le rouge, elle en frémit d’un nouveau plaisir. Il lui sembla qu’elle avait une nouvelle enveloppe charnelle, différente de la précédente, mais tout aussi merveilleuse. Elle se serait encore volontiers perdue dans son nouveau monde de sensualité, mais elle pensa soudain au vieux monsieur qui devait l’attendre dans le café. Certes, il n’avait pas l’air pressé, mais sans lui rien de deviendrait réalité. Pourvu qu’il soit encore là. Après s’être déshabillée à regret et retrouvé ses pauvres habits, elle se glissa hors de la cabine. Elle choisit encore plusieurs paires de bas, de diverses teintes. Elle demanda à la vendeuse de lui préparer ses achats et lui signifiant qu’elle allait revenir dans quelques minutes régler sa note.
La vendeuse ne fit pas de commentaire et commença d’emballer les effets. La fille se dirigea vers le café. Le vieil homme était devant la porte. Il l’accueillit avec un sourire et l’accompagna à la boutique en lui demandant de rester au dehors. Il entra et en ressortit peu après. Il tendit un sac à la fille.
– Voilà, ceci est pour vous, tous ce que vous avez désiré, maintenant filez-vite sans me remercier.
Un peu étonnée, la fille prit le sac, le gratifia d’un sourire et s’en alla.
La vendeuse sortit sur le pas-de-porte et s’approcha du vieillard.
– Alors, monsieur Paul, toujours satisfaite de mes services?
– Mais oui ma chère, ce miroir sans tain est une pure merveille. Cette jeune fille avait un corps merveilleux. Et ma foi, elle sait très bien choisir sa lingerie. Il m’en coûte de l’argent, mais je suis le seul à jouir du spectacle. Elle aura sans doute un Noël qui sort de l’ordinaire dans son innocence. Mais comme elle ne saura jamais qu’elle fut aussi mon cadeau de Noël. Joyeux Noël à vous!
– Joyeux Noël à vous aussi, j’espère vous voir très bientôt!

Une réflexion sur “Le miroir, conte de Noël

  1. Sacré Mr Paul.
    Il a surtout de la chance d’avoir une complice parfaite.
    J’adore les dialogues qui s’instaurent entre deux femmes qui parlent « bas ».
    Celui ci est trop bien.
    Bravo Boss.

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