
Continuons notre petite enquête sur l’historique du bas nylon à travers les publicités d’époque. Même si les journaux racontent pas mal de blagues, ils détiennent la vérité sur au moins un point. Ils sont le témoignage d’une chose précise à un jour précis dans la manière dont ils narrent la chose. Je pense que l’histoire aurait une saveur différente si les journaux étaient aussi vieux que l’humanité. Encore plus précis comme témoin, la photographie remet chaque détail à la bonne place. N’avez-vous jamais constaté en regardant une vieille photo qui vous concerne directement, combien de détails se sont effacés de votre mémoire pour vous réapparaître dans leur vérité primaire en regardant la dite photo? La barrière qui sépare votre ancienne maison de celle du voisin d’alors, qui vous semblait verte dans vos souvenirs était en réalité brune?
Aujourd’hui je vais m’attarder sur la transition entre le bas couture et son fils, celui sans couture. Dans mes rêveries le bas à couture, le vrai de vrai avec diminutions, est le must absolu, j’imagine à juste titre que je ne suis pas le seul à le penser. Récemment, j’ai eu l’occasion de contempler ce style de bas sur de merveilleuses jambes et je n’ai pas changé d’avis. Avec des souvenirs plus lointains, je me rappelle d’une maitresse d’école qui en portait fréquemment. Ses jambes arpentaient la classe sous mon regard attentif, bien plus attentif avec mes yeux que mes oreilles, réfractaires aux charmes de la table de multiplication par neuf ou les baignoires qui n’en finissaient pas de se remplir ou de se vider. Nous sommes au début des années 60 et le bas à couture est encore plus ou moins présent sur les jambes, spécialement sur celles des dames plus âgées. Il a commencé à décliner après le milieu des années 50, remplacé peu à peu par la nouvelle méthode de tissage qui supprime la couture. Les jeunes filles, quand elles se mettent à porter des bas adoptent celui sans couture, en général moins onéreux aussi, car de fabrication plus facile. Il y a aussi une autre raison à cela, maintenir la couture droite et au beau milieu de la jambe est presque un art. Les anciennes possèdent cet art, fortes d’années d’expérience, mais aussi une lingerie plus adéquate pour les tenir, très souvent des gaines. On en pas encore au porte-jarretelles minimaliste qui fera son apparition plus tard. Un jour une copine de ma classe s’est amenée à l’école avec des bas à coutures. Une des ses amies, pas très au fait des choses de la vie, s’est trouvée très intriguée par la présence de ces bas et de cette couture. Elle a entamé toute une explication, charmée d’être le point d’intérêt et d’expliquer à cette roturière ce qu’était un bas de luxe. Moi j’étais à côté et je n’en perdais pas une miette, espérant qu’elle allait lui montrer que les bas se tenaient avec des jarretelles, mais elle n’alla pas aussi loin dans sa démonstration, zut alors!
Dans la réalité, le bas à couture survécut aussi longtemps que l’autre, mais dans une proportion bien moindre. A toutes les époques, en cherchant bien dans les magasins spécialisés, il était possible d’en trouver, bien évidemment portées par un infime minorité de dames. Dans un village voisin, la soeur d’un collègue de travail a toujours porté des vrais bas à couture jusque à son décès il y a quelques années. Je ne l’ai jamais vue porter autre chose. Je ne sais pas où elle se fournissait, mais le fait était qu’elle en trouvait toujours. Les effets de mode firent aussi que vers la fin des années 70, on réinventa la couture qui figurait en trompe l’oeil sur les collants et parfois sur les bas, toujours en imitation. Le véritable bas couture fut quand même préservé dans sa fabrication par quelques marques, Gerbe notamment, avant de connaître sa renaissance avec des maisons comme Cervin.
Mais plongeons nous dans ces publicités datant toutes du tournant années 50-60. Nous constatons que le bas couture est encore très présent dans la publicité. Cela reste un choix délibéré, entre élégance pour certaines et habitude pour les autres. Les photos sont cliquables afin de les rendre plus visibles.


Dans cette publicité, vous remarquerez que le prix du bas couture est souvent plus élevé, c’est normal il demande plus de travail. Autre curiosité, on parle d’un bas filet pêcheur, que l’on appellerait aujourd’hui résille. D’un prix nettement plus élevé, il était sûrement réservé à des soirées coquines. Le French Cancan avait encore un petit air de légèreté à l’époque de la publicité. Ce n’est qu’à travers le mouvement punk qu’il devint un bas comme un autre.
Beaucoup de bas sont désignés par la mention Helanca. C’est une marque déposée créée en Suisse. C’est un procédé de texturation qu’un chercheur français appliqua au nylon, lui conférant une certaine élasticité et un toucher plus doux. Depuis l’industrie textile n’a cessé d’inventer d’autres méthodes.



Cette publicité vous donne une comparaison entre le prix de différents articles. Quand on sait qu’une bière au bistrot coûtait quelques dizaines de centimes, on peut se faire une idée du coût de la vie en 1960.