
L’immédiat après 1900 est une époque entre deux mondes, l’ancien et le nouveau. On est certes pas encore à l’époque des trente glorieuses, mais on parle déjà de progrès. On est tout émerveillé par les nouveaux gadjets qui entrent petit à petit dans les foyers, la radio, le gramophone et pour l’extérieur on peut frimer dans une voiture et filer comme des bandits à 40 à l’heure chasser le piéton dans les rues de Paris où la circulation n’est pas encore très réglementée et l’on trouve des places de parc à profusion. Ce sont encore des choses réservées à une classe aisée, mais le sort des masses populaires s’améliore. Sans être tous des cerveaux, les gens bénéficient d’un certain niveau d’instruction, on sait lire, à peu près écrire, et surtout si l’on a du travail on peut penser aux petits plaisirs. Le cinéma n’est pas encore tout à fait présent, mais les bals populaires, le théâtre, sont très fréquentés.
La mode continue sa saga, on l’a vu, le corset qui a ses ses adeptes et ses pourfendeurs n’est pas mort. Mais gentiment cette forteresse de la mode féminine depuis des siècles est sapée à la bases par des coup de butoir. On l’attaque par la diagonale. La pantalon est bien évidemment un accessoire avant tout masculin et la jupe féminin. Maintenant si cela va de soi, il en allait tout autrement dans les siècles passés, notamment en ce qui concerne l’habillement des enfants, la frontière est plus ténue. On habille parfois les garçons avec une robe et les filles portent des pantalons sous leur robe. Ce pantalon version féminine était surtout un instrument de camouflage pour les jambes et le reste. Il n’était pas question de le rendre visible en enlevant la robe et il était presque indécent s’il était aperçu lors d’un léger relevé de robe Tout au plus il était réservé aux petites filles, aux danseuses et aux filles légères. Mais faites du neuf avec du vieux, il est remis sous les crinolines qui ont tendance a se relever, si la femme fait des mouvements comme la danse par exemple. A partir de ce moment là, il monte d’un degré dans l’échelle de la pudeur et devient présentable accidentellement. Evoluant avec la raccourcissement de la longueur des robes, il suit le mouvement et pour finir, il se termine en culotte vers le début de la première guerre mondiale. C’est ainsi que nous trouvons cette bonne vieille culotte de grand-mère pas encore slip ou string.

Louis XIV enfant, il ne porte pas encore la culotte
Un fait marquant du début du siècle, c’est l’apparition de la couleur dans le sous-vêtement. Jusque là, le lin et le coton sont rois, efficaces dans la pratique, un peu moins visuellement et presque toujours blancs. Ce que la Belle Epoque a appelé les cocottes, comprenez des femmes un peu légères, ont fait une petite révolution, elles ont commencé à porter de la soie avec des couleurs extraites de l’arc-en-ciel. Cela veut aussi dire que les sous-vêtement on gagné tant en légèreté qu’un minceur, c’est plus aérien et un tantinet transparent selon la couleur et l’épaisseur. Cela a fortement plu à ces messieurs bourgeois qui ont jeté un oeil attendri et encore plus coquin. C’est un peu comme si maintenant un bonhomme se mettrait à draguer une fille parce qu’elle porte des bas à la place d’un collant. Le visage des épouses bourgeoises passa du rouge colère au vert rage et pour ne pas être en reste se mit aussi à porter ce genre de dessous en espérant garder un peu plus Monsieur à la maison. Elles restent quand même dans certaines limites, elles s’inspirent des cocottes mais ne les dépassent pas. On commence aussi à employer des fibres artificielles pour les rendre abordables à toutes les bourses. Ainsi va la mode.
A propos de bas, généralement ils sont noirs, parfois assortis avec la robe. Le fil d’Ecosse en est la principale constituante. La soie plus chère et plus délicate est réservée à ceux qui ont les moyens. Même s’il sont peu visibles, la femme les choisit avec soin. Le noir est la couleur qui est admise pour les bas, mais pour le reste des sous-vêtements, c’est encore avec le rouge, un peu trop hardi. Les teintes douces mises à part, on laisse cela pour les cocottes, mais cela ne sera pas éternel.
Une des autres tendances de la mode, c’est le changement dans la lingerie de nuit, elle se fait plus légère dans les tissus, tout en gardant le principe de la chemise de nuit. On abandonne complètement le bonnet de nuit, les hommes suivront et adopteront aussi progressivement le pyjama.
Le strip-tease est un nom bien américain pour la bonne raison que c’est là-bas qu’il a été inventé. Bien avant la France, ce spectacle était très prisé à l’époque de la fin de la conquête du territoire américain. Il n’y avait pas les barrières pudiques propres à nos latitudes. A une époque où tout le monde de promenait avec un fusil à la place de la canne ou du parapluie, le fait de voir une femme se déshabiller n’était choquant pour presque personne. C’était une distraction facilement transportable, qui demandait peu d’entretien et de matériel, juste et sans doute une poignée d’argent. Il finit par arriver en France et en ce début de siècle, il est en quelque sorte à la mode. On reste toutefois dans des normes plus raisonnables, c’est plutôt un prétexte pour montrer un effeuillage du corps féminin, et il y a du matériel à enlever, sans aller jusqu’au nu intégral visible. Nous avons vu au début que le nu intégral est apparu à Paris en 1900, l’idée de départ n’était pas le strip-tease, mais exposer le nu sans les préliminaires.

La fin de la première décennie met encore plus de pression dans l’envie de la femme de se libérer, mais elle a bien compris que c’est avant tout par son militantisme qu’elle y parviendra. D’importants mouvements protestataires comme en Londres en 1908, font pression sur la classe dirigeante. Le but premier est plus d’obtenir le droit de vote que de se libérer du corset, bien que l’un ne va peut-être pas sans l’autre symboliquement. Pour la mode, c’est plutôt les créateurs qui peuvent l’aider, mais pas toujours efficacement. En 1909 le couturier Paul Poiret jette le corset aux orties, mais il habille la femme d’un jupe tellement serrée que la femme peut à peine se déplacer, chose peu pratique quand on est poursuivie par un satyre!
Malgré tout la femme amorce son renouveau, elle n’est plus complètement un objet destiné à mettre son mari en valeur, style sois belle et tais-toi, elle pense et le fait savoir. Encore à son avantage, le corset est sérieusement remis en cause, le soutien-gorge apporte son efficacité et sa légèreté, faisant ami-ami avec le porte-jarretelles ou la gaine. La lingerie se pare de ses couleurs et abandonne les tissus traditionnels. Sur un plan plus matériel, elle commence à travailler et occuper des postes subalternes, réclamée par l’industrie qui a besoin de bras, ne serait-ce que pour fabriquer ce qu’elle portera plus tard.
Le mouvement est en marche, mais le corset, la jarretière, la lingerie uniquement pratique ne seront pas abandonnés d’un claquement de doigt, il s’en faut encore de beaucoup.
Quelques dates
1906 Invention de la permanente par Charles Nestle, un Anglais
1907 Madeleine Vionnet que deviendra une des plus célèbres créatrices de mode en France, présente sa première collection. Elle a complètement supprimé le corset et ses mannequins défilent pieds nus. Cela frise le scandale. Elle mourra en 1975, juste pas centenaire.
Instauration d’une loi qui permet à la femme de disposer librement de son salaire, eh oui!

Encore une tentative de réhabilitation du corset

Le fabricants de corsets font de la pub pour leur produit à leur manière

Un aperçu, via une publicité, de la lingerie traditionnelle en vente au magasin du coin

On vend aux particuliers les objets oubliés dans le métro, ah ces distraits qui font de l’humour sans le savoir

Le corset comme arme absolue!


A suivre