Nylon Bar

L'apéritif en nylon


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Du nylon pour un siècle (13)

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Dès le début des années 50, le doute n’est plus permis. Une ère de prospérité s’annonce et a déjà commencée dès la fin de la guerre. Dans l’histoire elle sera connue comme les Trente Glorieuses. C’est certainement le seul côté positif que l’on peut trouver à l’aberration guerrière, mais le fait est qu’il faut tout reconstruire. La première guerre mondiale avait été plus localisée, moins étendue territorialement. La seconde a dévasté de nombreux endroits du globe, l’Europe presque entièrement. Il ne s’agit pas seulement de remplacer les bâtiments et lieux détruits par de nouveaux, mais il y a une nouveau phénomène qui se pointe, inconnu jusqu’alors, le progrès sous forme de nouveautés qui font rêver, la télévision, le microsillon, les ustensiles ménagers qui soulagent le travail de la femme (encore) au foyer. Tout ceci débarqué en même temps que la matériel militaire.  Le marketing crée les besoins, on accède au besoin de pacotille. Si l’on pouvait se passer aisément du Coca-Cola avant guerre, ce n’est plus le cas. Il est devenu un signe d’indépendance, on le boit quand on veut et n’importe où, c’est juste si on ne trouve pas un distributeur dans l’église à côté du bénitier. Il est même cité dans les chansons pour faire branché. Adieu le papier à rouler la clope de nos pères et la soupe de grand-mère, on consomme industriel, en paquet de 20 ou en sachet familial.

Mais résumons encore brièvement cette ambiance entre 1945 et le début des années 50 en s’arrêtant sur le bas nylon et le départ vers leur suprématie

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Quelques petites chroniques journalistiques de 1945, il n’est pas impossible qu’on y mentionne le bas nylon..

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Au niveau de la mode, l’immédiate après-guerre est encore bien sage. Elle deviendra rapidement une ère parmi les plus mythiques, l’intensité ne se mesure pas vraiment à ce que l’on voit, mais plus à ce que l’on suggère, ce que l’on voudrait voir. Le cinéma aide beaucoup à créer des stars qui ne se mettent pas encore à nu, que l’on ne verra jamais nues pour la plupart et qui deviennent pourtant des sex symbols. La fameuse Marilyn Monroe est un exemple encore dans toutes les mémoires et une référence. Elle vient pourtant d’un cinéma américain qui excelle autant par sa créativité que par sa pudibonderie. A malin, malin et demi, les réalisateurs font preuve de virtuosité pour ne pas subir les foudres de la censure. Dans le film de Charles Vidor, « Gilda » avec Rita Hayworth sorti en 1946, la scène où elle retire son gant est devenue un anthem à la sensualité. Ce n’est pourtant qu’un gant que l’on retire, mais il amène le conscient du spectateur vers des zones plus obscures de sa personne. Si ce genre de scène peut faire rire un adolescent aujourd’hui, croyez bien qu’il en fut tout autrement en 1946.

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La mode de cette époque peut se résumer à une silhouette, sur l’écran ou dans la rue peu importe, mais elle agit comme un aimant sur l’oeil du contemplateur. Enlevons le dessus et voyons ce qui se passe dessous.
La gaine connaît un triomphe presque absolu, du moins chez la femme de la classe moyenne. On retrouve l’idée du corset qui moule la taille, en version allégée bien sûr. Marilyn Monroe n’avait pas spécialement une minceur de manche à balai, bien au contraire elle avait ce qui plaisait alors, quelques morceaux de chair bien répartis. Juste assez pour un moulage, de quoi obtenir la silhouette que l’on veut sans rembourrage. La gaine sert évidemment à cela, mais elle sert aussi à tenir les bas, des bas nylons pour sûr. Il est encore à couture, mais d’ci un dizaine d’années, son concurrent sans cet indice de charme, mais à talon renforcé sera de mise. En plaisantant on pourrait dire que c’est une sorte de bas pasteurisé, mais encore un bas, un vrai.

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Ce n’est pas encore la fin de la guerre pour les bas nylons


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En 1945 et 1947, ces publicités font l’inventaire en matière de dessous. J’imagine pour les amatrices de vintage authentique, comment elles adoreraient le porte-jarretelles couleur ciel.

Le porte-jarretelles, qui existe de nom depuis fort longtemps, et plus modestement la guêpière sont les autres atouts de la féminité. Le premier atteindra un sorte mysticisme auprès de la plupart des hommes. Il faut bien avouer que jamais autant que dans les années 50, il ne fut assimilé à une pièce d’art. En version simple, il est juste un accessoire servant à tenir une paire de bas. Mais quand il frôle la sophistication, il est amplement garni de dentelles, il joue avec les couleurs, les matières. En apercevoir un bout ou encore mieux la totalité, constitue un spectacle de choix pour l’oeil coquin du mâle en recherche de spectacle aguicheur. Il n’est pas sensuel, c’est bien pire. C’est son âge d’or, on n’ose imaginer aujourd’hui son retour au sommet, pourtant il hante toujours les rêves masculins perdus dans les sabliers du temps.

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En abordant les époques plus récentes de l’histoire du sous-vêtement, on gagne de la place sur les pages qui servent à les décrire. Nous ne sommes plus obligés d’énumérer un longue liste d’accessoires et de faire lever les dames à 4 heures du matin pour qu’elles soient présentes au travail à 7 heures. Dans les trois pièces qui constituent les sous-vêtements d’une dame que l’on pourrait qualifier d’honnête selon l’adage de l’époque, il nous manque encore le soutien-gorge.

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Il s’intègre parfaitement dans cette idée de silhouette qui se veut tout sauf plate. Les seins sont comme les montagnes, il n’y en a pas deux qui ont exactement la même forme, ni la même taille. C’est un casse-tête qui peut se terminer pas un casse-seins. A l’instar du sexe masculin, ce sont des organes qui peuvent varier en taille selon les envies susurrées par la nature. En plus, ils sont une véritable carte de visite de l’anatomie visible de la femme. Mélangés au goûts personnels et les aléas de la mode, les modistes ont bien compris que les bonnes affaires se font en allant à l’opposé de la mode précédente, il faut jongler. Une création plutôt nouvelle sera mise au point dans le but d’offrir une alternative aux dames en mal de poitrine conquérante, le soutien-gorge obus.  Pas forcément le summum du confort, mais il permet la triche et les moins avantagées ne s’en priveront pas.

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Mais vu la richesse de cette première moitié des années 50, il faut que l’on s’arrête plus en détail sur ses tendances. Elles sont le reflet d’un bouillonnement créatif et innovateur sur tout ce qui peut faire la réussite de ceux qui proposent et ceux qui disposent.

A suivre


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Des dessous pour un siècle (12)

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Comme l’histoire nous l’apprend, signer la paix est presque plus difficile que de déclarer la guerre. Dans un premier temps l’armistice est signé le 7 mai 1945 à Reims en présence du maréchal Jodl pour les Allemands et de généraux américains, français et soviétiques. Auparavant les Allemands tentent de négocier une paix séparée. C’est à dire que l’on signe une cessation des hostilités avec la partie ouest, mais que l’on continue de se battre avec l’est, avec les Soviétiques. C’est une idée alors assez en vogue, notamment celle du célèbre général Patton, qui considère le communisme comme le mal absolu. Le commandement américain refuse évidemment, c’est tout au rien. Pour faire bonne mesure et contenter Staline, on organise une seconde signature de fin des hostilités, mais cette fois-ci à Berlin, le 8 mai. C’est une exigence de prestige, car l’armée russe occupe entièrement Berlin. On remet le couvert de la capitulation avec cette fois la présence du maréchal Keitel. Ce n’est pas la vraie fin de la guerre, car les Japonais continuent à se battre dans le Pacifique. Pour qu’ils cessent de faire joujou avec la poudre, il leur faudra un sérieux coup de semonce qui tombera du ciel avec les bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki. Cette fois, c’est vraiment la fin le 2 septembre quand les Japonais signent la capitulation définitive. Comme décidé à la conférence de Yalta en février 45 entre Churchill, Roosevelt et Staline, la partage de l’Europe  peut commencer, une zone d’influence américaine à l’ouest et une soviétique à l’est et aussi une certaine guerre froide. Après bien des péripéties elle aboutira à l’Europe que l’on connaît aujourd’hui.

La guerre froide? C’est justement la bonne occasion pour réchauffer les jambes avec des bas nylons. Il vont régner en maîtres pendant 20 ans et vont devenir l’accessoire de mode pour montrer et être vu. Mais tout ne va pas aussi vite. Les ruines de l’Europe, surtout ce qui est organisation, infrastructure de la société doit être remis en place. C’est un  travail de longue haleine. Les privations sont encore nombreuses, on ne mange pas du filet de boeuf à tous les repas, ce n’est vraiment qu’à partir de 1947 que l’on commence à se nourrir à peu près normalement. Pour patienter, il faut organiser une part de rêve. Cela peut se faire de différentes manières, la mode en est un moyen. Le célèbre magazine Elle diffuse son premier numéro en novembre 1945. Les premiers bas nylons sont arrivés en France via les GI’s. On ne peut pas encore s’en procurer comme on veut, alors celui qui en possède peut pratiquement obtenir ce qu’il veut en agitant une paire à bout de bras. Les suites immédiates de la guerre ont une conséquence directe sur le vêtement. Les dames qui ont vécu cette époque se rappellent que la longueur des jupes n’a jamais été aussi courte, on est souvent au dessus du genou. Ce n’est pas une soudaine envie d’exhibitionnisme qui en est la cause, mais la pénurie de tissus. Nul doute que quelques uns de ces messieurs trouvèrent cela charmant.

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Un événement d’actualité s’incruste dans la mode. En juin 1946, le premier essai atomique a lieu dans le pacifique sur un atoll appelé bikini. Les Américains estiment sans doute que la bombe mérite quelques perfectionnements, elle ne fait pas encore assez de dégâts, alors boum!
Un petit malin du nom de Louis Réard, présente à Paris le premier maillot de bain deux pièces qu’il appelle, devinez… bikini. C’est une bombe après la bombe. Ceux qui sont pour sont unanimes pour complimenter, ceux qui sont contre pour crier au scandale. Ils y voient rien de moins que des sous-vêtements qui seraient devenus visibles sous l’effet de la radioactivité, dirons-nous pour plaisanter. Bien sûr, n’allons pas imaginer que toutes les dames et jeunes demoiselles de France et de Navarre et même au-delà, l’adoptent sans concession. Mais le verre est dans le fruit et d’ci qu’il le bouffe tout, il ne va pas s’écouler des siècles, quelques années avant qu’il ne devienne courant.

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Christian Dior dont le nom commence à être connu lance sa marque en  1946. En quelques années, elle deviendra un empire. Dans cette juste après-guerre, il voit la silhouette de la femme revenir un peu à ce qu’elle était à la Belle Epoque pour ce qui est de la taille, cintrée. Pour le reste c’est plus libéré, épaules dénudées, poitrine apparente. Son premier défilé en 1947 est un triomphe.

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Marcel Rochas saisit le vent de cette mode et invente quelque chose qui va nous concerner et devenir une pièce maîtresse du sous-vêtement sexy, la guêpière. Pendant de ce corset qui alimenta une bataille qui ne fit ni vainqueurs, ni vaincus, il devait bien se rappeler aux souvenirs de chacun. Evidemment son nom est inspiré de la guêpe dont la taille fait pâmer celles qui ont des centimètres superflus. C’est une version allégée du corset, les effets sans les inconvénients pourrait-on proposer. Il permet de choisir librement la compression que l’on veut exercer sur le corps, son but n’est pas de tricher avec la taille si on ne le désire pas. Une maintenue un peu lâche ne choquera personne si c’est l’option choisie. Il se posera immédiatement comme objet d’un certain luxe et il ne figurera pas par défaut dans tous les tiroirs de lingerie personnelle. Son rôle et son impact sera assez modéré à son avènement, mais elle reviendra en force dans les années 80, souvent en version minimaliste, mais son succès ne s’est pas démenti depuis.

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Le jupon, une pièce vestimentaire quelque peu oubliée refait son apparition. Il ne s’agit plus d’en mettre plusieurs couches comme à la belle époque ou dans les cours royales. Reste une pièce au style froufroutant affichant le bas de la robe en forme de parapluie. Cette silhouette sera très populaire jusque vers la fin des années 50 et collera aux jeunes amatrices de rock and roll qui le font voler en dansant. De nos jours encore, une danseuse de rock and roll qui veut glorifier le pur rock and roll, se doit de le danser jupon au vent et même porter de vrais bas. C’est certainement la musique la plus liée avec le vrai bas nylon aujourd’hui.

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Encore un cas où l’histoire s’incruste dans la mode. En référence au cardinal Richelieu, les sous-vêtements masculins Eminence vont casser la baraque et même dans un certains sens, la braguette. Georges Jonathan et Gilbert Sivel importent de Suisse un métier à tisser qui offre une nouvelle manière de tisser encore inconnue ici, le petit point noué. Reprenant une méthode utilisée par les Gauchos, il mettent au point le slip avec une poche, plus connu sous le nom de slip kangourou. Cette manière qui facilite le déballage de ses outils, connaîtra et assurera un premier grand succès de la marque. En matière d’emballage, le slip est présenté sous emballage individuel rendant le produit visible, ce qui est une petite révolution en 1947.

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Ces années d’après guerre rend possible toutes les audaces, on entre dans l’ère du marketing, un genre de guerre où le vainquer est celui qui vend le mieux.

Aussi à cette époque.

1946 – Premier Festival de Cannes qui consacre un film directement inspiré par la résistance, La Bataille du rail de René Clément.

1947 – Mariage de la future reine Elisabeth avec son cousin, pas de divorce en vue.

Création de l’état d’Israël.

Invention du procédé photographique Polaroïd, eh oui déjà.

1948 – En prévision des jeunes qui vont écouter Salut les Copains plus tard, enfin sans doute, invention du transistor.

Assassinat de Gandhi

1949 – La voiture presque accessible à tous, la 2CV

A suivre