
Les journaux nous offrent toujours des possibilités étonnantes pour la recherche de documents. Pour ma part j’ai reconstitué une partie de mon enfance en recherchant les événements lointains qui m’avaient marqués alors. Cela fait partie de ma vie personnelle et n’intéresse que moi. Toujours dans mon souci de reconstituer l’histoire du nylon et de la lingerie, j’ai continué mes fouilles. Ce qui attire le plus les hommes dans la lingerie, c’est bien le porte-jarretelles. En fait, il désigne par raccourci toute pièce de lingerie destinée à tenir les bas. Il est, si on veut, un nom générique. Pour plus de vérité historique, les premiers articles du genre furent le corset et la gaine. Mais le nom du porte-jarretelles a bien été créé quelque part et par quelqu’un. L’histoire n’a pas retenu son nom, mais on peut imaginer qu’il est entré dans le vocabulaire par une sorte d’effet de marketing, la création d’une idée de libération. A titre et goût personnel, ce n’est qu’à partir de l’invention du bas nylon que la jambe commence à me paraître vraiment sexy. C’est surtout la transparence du bas qui lui ajoute ce côté charmant. Pendant de siècles apercevoir la cheville d’une dame était un spectacle rêvé. Puis la silhouette de la jambe a commencé par devenir visible, enfin la peau cachée sous l’épaisse soie ou la rayonne s’est quelque peu révélée au regard. Dans l’imagination de la femme, cela peut ressembler à une sorte de libération, on ose montrer ses jambes, du moins suggérer par effet visible que la jambe n’est pas couverte de varices ou de piqûres de moustiques. Mais revenons au porte-jarretelles. Comme je le disais, il est un pas vers une certaine libération qui a plus à voir avec le confort que le reste. On peut admettre que la lingerie au tournant du 20ème siècle supporte assez bien l’appellation d’artillerie lourde. Si on ne peut lui dénier un certain charme que bien des spécialistes d’aujourd’hui apprécieront et par définition ceux qui le vécurent en direct, il reste quand même que la femme souffre pour être belle. La cérémonie de l’habillage ou le déshabillage représente un temps fort de la journée. Encore faut-il que la maison ne soit pas en feu, sinon il faut choisir entre le rescapée impudique ou la victime décente. Dans un sorte de souci de simplification, le porte-jarretelles est devenu le mot qui soulage et qui fait gagner du temps. On a pas non plus passé du vêtement qui enrobe la taille à la simple ficelle comme ce qui s’est fait plus tard. On peut carrément dire que cela s’est fait progressivement, la bande entourant le ventre a diminué centimètre par centimètre. A la grande différence de la gaine qui descend assez bas, la manque à gagner est compensé par la longueur des élastiques qui peuvent aller à la rencontre du bas. Enfin vous connaissez le visuel aussi bien que moi.
Alors je suis parti dans les archives de journaux pour voir quand apparaissait le mot pour la première fois. La première mention est 1923 dans le cadre d’une publicité pour un magasin de lingerie. Mais partons en exploration à travers les images et vous verrez, j’ai fait une surprenante découverte au cours de mes recherches. Et comment un porte-jarretelles sera cité lors d’un procès.

Voilà la pub de 1923, comme vous voyez le mot est encore bien entouré de corsets, pas encore mort celui-là.

La même année, remarquez la « gueule » du soutien-gorge au milieu
Un saut dans le temps, remarquez la diversité du vocabulaire employé. Ici, on parle de semaine suisse, car la fabrication de ces articles est faite en Suisse, pays assez réputé dans la fabrication de lingerie. La marque Viso à d’ailleurs un très beau logo.

Une première représentation de ce qui peut suggérer un porte-jarretelles en 1937, bien que cet article manque encore d’allègement.
La guerre est finie, les bas nylons sont là. Dans un vocabulaire toujours diversifié, le corset voisine le serre-hanches et le porte-jarretelles

Enfin un porte-jarretelles qui a tout le charme des années 50. Il est en quelque sorte en vedette, la pub ne parle pas d’autre chose. Messieurs affolez-vous!

Un article sur la mode qui parle lingerie
Deux ans plus tard, toujours les mêmes recettes, le messieurs sont encore plus affolés
La surprise

Eh oui nous sommes en 1952, un redoutable adversaire pointe, le bas qui tient tout seul est annoncé dans les nouveautés. Il lui faudra encore une bonne trentaine d’années pour qu’il passe en vedette. On peut rigoler de l’éclairage donné sur la publicité « plus besoin de porte-jarretelles ». Invention américaine il est dit. Dans un optique bien ricaine, j’imagine que la prime de fidélité offerte à l’achat de 10 paires était un flingue pour dégommer le rieurs quand la femme perdait un bas dans la rue.
L’affaire Montesi
Dans les années 50, la France se passionna pour « L’affaire Dominici ». Même le fameux cinéaste Orson Welles y alla de son documentaire. Bien des années après on ne sait toujours pas ce qui s’est passé réellement. En Italie, c’est une autre affaire qui passionna les foules. En avril 1953, on trouva le corps de Wilma Montesi, une jeune fille de 21 ans, sur une plage près de Rome. L’enquête conclut à une mort accidentelle. L’affaire tourna au scandale quand la presse mit son grain de sel et douta des conclusions de l’enquête. Elle affirma que des personnages en vue, notamment politiques, seraient impliqués dans la mort de la jeune fille. Les suites de l’affaire, les arrestations, le procès, eurent un retentissement bien au dehors des frontières italiennes, assez pour que les quotidiens francophone en fassent fidèlement l’écho. Voici trouvé dans un de ces quotidiens, la reproduction du dialogue entre un substitut et un des accusés côté police. C’est sans doute une des rares fois où la disparition d’un porte-jarretelles jette le trouble dans un procès. Le tout se termina par un match nul, mais bien des doutes entourent encore la vérité sur cette affaire.


WordPress:
J’aime chargement…
Articles similaires